|
|
Thread Tools | Display Modes |
#1
|
|||
|
|||
Damiano Cunego, «le Mozart de la pédale»
SPORTS : Damiano Cunego, «le Mozart de la pédale» Date de parution: Vendredi 6 mai 2005 Auteur: Guillaume Prébois, Milan CYCLISME. Le Giro 2005 s'élancera samedi de Reggio di Calabria. Vainqueur surprise l'an passé, le jeune prodige italien, au bénéfice d'une dérogation médicale pour son taux d'hématocrite élevé, entend bien récidiver. Portrait «Le sexe avant le mariage? Aucun problème! L'important, c'est de trouver quelqu'un avec qui tu te sens bien. Mais, avant une course, je préconise une abstinence d'au moins 24 heures...» Abstinence ou pas, en août, Damiano Cunego découvrira la paternité: «C'est arrivé un peu par hasard, glisse-t-il un rien embarrassé, ça veut dire que la petite Ludovica aura des parents jeunes, il n'y a rien de plus beau qu'une nouvelle vie qui arrive.» La notoriété pousse à tout, même à dévoiler son intimité aux chroniqueurs. Damiano Cunego, «l'enfant prodige, le Mozart de la pédale», comme l'a pudiquement rebaptisé La Gazzetta dello Sport, tel un petit bouddha, n'a pas eu le temps de grandir. Champion du monde juniors à Vérone en 1999, professionnel en 2002, il annonçait en avril 2004: «Je me donne trois ans pour gagner le Giro.» Trois semaines après, il triomphait. A 22 ans. Seuls Fausto Coppi et Giuseppe Saronni avaient fait mieux. Un succès que même Nostradamus, le Moine de Padoue, la Religieuse de Dresde ou saint Malachie n'avaient pas osé prophétiser. Un délire médiatique s'empare alors de la Péninsule: Cunego se met à répondre aux quiz à la télévision, à philosopher devant les lycéens, à recevoir des prix en rafales, le célèbre oncologue Umberto Veronesi l'exige à ses côtés pour une campagne contre le cancer. Cunego superstar. En octobre 2004, il s'adjugeait le Tour de Lombardie et la première place du classement UCI (Union cycliste internationale). Un bond sportif de 226 places en sept mois et un bond salarial de 60 000 à 1,2 million d'euros par an. Une prospérité soudaine vécue avec détachement: «Changer d'auto? C'est la dernière de mes préoccupations», répondait le glorieux fils d'Enzo Cunego, ex-pilote de rallye. Damiano rêvait d'une BMW M3 mais se contentait d'une Skoda Octavia 4x4. Quand on a payé son premier vélo en se levant à 4 heures du matin pour travailler l'été comme apprenti boulanger, un sou est un sou. «Le Giro? C'est comme le Loft. Quand tu en sors, tout a changé autour de toi, mais, si tu as la tête sur les épaules, tu survis», résume le Piccolo Principe, le Petit Prince, qui, contrairement au personnage de Saint-Exupéry, répond courtoisement aux questions qu'on lui pose. Subjugués par ses démarrages en montagne, les tifosi l'avaient déjà surnommé «Airone», mais Damiano avait marmonné: «Eh, c'était le surnom de Coppi, n'exagérons pas!» Toutefois, l'Italie avait déjà décidé de glorifier son veau d'or, cet adorable garçon au regard bleu profond qui se sculpte une crête blonde rebelle avec du gel, refuse d'aller en discothèque et prêche ensuite la bonne parole: «Il faut pratiquer le bien, au lieu de recevoir il faut donner.» Puis d'ajouter: «Quand j'étais enfant de chœur, je ramassais de beaux pourboires après la messe...» Mais, à l'Ave Maria, Cunego préfère «Light my fire», la mythique chanson des Doors. Sur le Giro, il scotchait dans sa chambre d'hôtel deux posters de son idole, Jim Morrison: «Celui où Jim est torse nu avec les bras en croix et celui où il porte ses Ray Ban avec son chien.» Follement charismatique, enjôleur, habile communicateur, Cunego est aussi maniaque et intransigeant, capable de réprimander les mécaniciens parce que son nouveau cadre «est trop court de un millimètre», ou de s'entraîner comme un forcené «à Noël et le 1er janvier». Diplomate, il gère les polémiques avec douceur: au soir de sa victoire d'étape à Bormio, son capitaine Gilberto Simoni lui hurla: «Tu n'es qu'un bâtard!», aveuglé par la jalousie. Le bambino de Vérone répondit par un bruyant silence puis, sardonique, répéta malicieusement devant les micros son mantra tranquillisant: «L'essentiel, c'est que Gilberto gagne le Giro.» Ciao, on sait ce qu'il est advenu. Le talent brûle ceux qui le possèdent. Damiano a toujours été un surdoué pressé, il brillait en hockey sur glace, excellait en course à pied, seul son entraîneur de football le récriminait: «Passe le ballon, Damiano!», agacé par l'individualisme de son numéro neuf. La passion cycliste de Cunego commença à 3 ans: «J'étais déjà un kamikaze, je fonçais en descente sur un tricycle, un jour je me suis écrasé sur le pare-chocs d'une camionnette.» A 15 ans, il dispute sa première course avec le maillot du vélo club Goretex de Vérone. Quatre semaines plus tard, la première victoire. Ses qualités physiques sont innées: l'hématocrite de Damiano est aussi élevé que celui des paysans burinés des rives du lac Titicaca, à 3800 m d'altitude: un certificat médical de l'UCI l'autorise en effet à courir avec un taux de globules rouges de 52%. A Cerro Veronese, l'air est pur. A moins que Damiano ne tire sa prodigieuse récupération de la gélatine de baobab qu'il mastique régulièrement. Mystère. Cet hiver, après une semaine de vacances sur les plages de la mer Rouge, Cunego a suivi un régime de moine trappiste sans panettone ni polenta, on l'a vu grelotter sur les cols du Giro lors de reconnaissances hivernales extrêmes, tourner en bourrique sur la piste de Cologne pour progresser dans l'effort solitaire et abîmer son genou gauche en chutant en Espagne. Il lui a fallu attendre une étape du dernier Tour de Romandie pour regagner, 195 jours après sa dernière victoire. Damiano commençait à douter. «Il se croyait obligé de toujours gagner, explique Beppe Martinelli, son directeur sportif et mentor. Les exploits réalisés l'an dernier l'angoissent, il a davantage peur du passé que du futur.» Martinelli connaît bien la nature humaine: c'était le directeur sportif de Marco Pantani. Damiano est entre de bonnes mains, non? © Le Temps. Droits de reproduction et de diffusion réservés. www.letemps.ch |
Ads |
Thread Tools | |
Display Modes | |
|
|